Afin de se positionner en entreprise, certains collaborateurs cherchent très souvent à s’affirmer par l’opposition.
Cette attitude peut faire perdre à leur environnement direct énormément de temps et d’énergie dans des guerres d’ego complètement inutiles.
Comment reconnaître et, surtout, par quels moyens composer avec ce type de profils ? Les réponses avec Imane Hadouche, master coach et comportementaliste.
– Conseil : Certains collaborateurs cherchent très souvent à s’affirmer par l’opposition. Peut-on considérer cette attitude comme une force ou comme une faiblesse ?
Imane Hadouche : Disons que les personnes qui cherchent à s’affirmer par «opposition» ont un axe d’amélioration à travailler, par rapport à leur manière de se positionner et de trouver leur place, toute leur place, mais «rien que leur place» sans débordement. Leur attitude peut faire perdre à leur environnement direct énormément de temps et d’énergie dans des guerres d’ego complètement inutiles.
À long terme, ce comportement peut s’avérer nuisible à leur relationnel et peut même devenir toxique pour leur environnement : leur besoin de positionnement pourrait être ressenti comme de la compétitivité malsaine, une agression ou même une démonstration de pouvoir. Cela génère un climat pesant, fait de tensions, de ressentiment ou de revanche. Autant dire que ce n’est pas la meilleure manière de se positionner.
– Comment expliquer le comportement de ces collaborateurs ?
Les sources sont variées, mais la motivation reste la même : protéger son espace vital et poser des limites bien définies afin de s’affirmer. Les raisons de ce type de comportement peuvent découler notamment d’un manque de confiance en soi, puisque toute personne confiante cherchera à se définir au lieu de se défendre, à s’ancrer dans ce qu’elle est au lieu de résister à ce qu’elle n’est pas. Globalement, ce sont des personnes qui ont besoin de plus petit que soi pour briller, et ont besoin d’écraser les autres pour se sentir grands, de prouver que l’autre a tort au lieu d’affirmer leur propre point de vue.
La source peut également être liée à un manque de confiance dans les autres. En effet, ce profil a grandi avec des croyances limitantes du style : «le monde est hostile», «les autres sont indignes de confiance», il est donc normal qu’il se positionne en mode défensif et cherche à se protéger, tout en interprétant le moindre geste anodin comme une agression. C’est une distorsion de la réalité qu’il filtre à travers son propre biais cognitif et ses croyances. Une autre raison, plus lointaine, peut également expliquer ce comportement, on parle ici de l’enfant rebelle en analyse transactionnelle. On remarque, en effet, que ce profil a du mal à traiter avec l’autorité, la manifestation d’autorité et les figures d’autorité. Je citerai, enfin, un autre point qui peut expliquer le comportement de s’affirmer par l’opposition chez certaines personnes. Il s’agit en fait d’un besoin de conformité et de stabilité : plus communément appelé profil du «gendarme». Ce profil veille à respecter les règles et à les faire respecter, tout débordement est ressenti comme une agression personnelle, qui nécessite forcément une opposition. Il se définit par rapport aux règles qui régissent sa vie, et se sent vite déstabilisé par le moindre incident.
– Comment les reconnaître en entreprise ?
Ces profils peuvent se cacher derrière une apparence de personne «confiante», décontractée, voire désabusée. Ce qui peut être trompeur, surtout en recrutement. Il suffit d’observer une seule réunion pour les détecter, ce sont généralement ceux qui :
• S’opposent et interrogent beaucoup, sans apporter de solutions.
• Se comparent aux autres, ou comparent les uns aux autres.
• Interrompent pour critiquer ou faire des remarques (et ne proposent pas de recommandations ou alternatives).
• Dans un échange, ils ne chercheront pas à justifier ou à prouver leur point de vue, ils visent plutôt à prouver que l’autre se trompe ou à détruire ses arguments.
En gros, ce sont des personnes qui sont constamment sur la défensive, et au lieu de s’affirmer de manière calme et posée, ils s’opposent à l’autre et l’attaquent : ils cherchent à dominer, plutôt que de fédérer et influencer.
– Comment composer avec ce profil sans le heurter ?
Le schéma de base reste le même pour toutes les personnalités difficiles (manipulateurs, passifs-agressifs …) :
1. Refuser de pendre part au jeu : ne rentrez pas dans une compétition ou une guerre de positionnement avec ce profil, cela leur fait perdre leurs moyens. Si par exemple une personne cherche à vous défier dans une course à pieds, et que vous décidez de ne pas bouger des starting-blocks, il n’y aura ni course, ni compétition, et pas plus d’enjeux. C’est exactement ça.
2. Refuser de participer au conflit : évidemment, pour tout conflit, il faut être au moins deux, si vous décidez de vous déclarer une zone «zéro conflit» vous désarmez totalement ce genre de profils.
3. Restez dans le factuel : on peut tout discuter, et tout interpréter ; émotions, avis, positionnements… les faits ne se discutent pas, ils sont, point. C’est le meilleur moyen de se protéger face à toute personnalité difficile, et pour ce profil précis, revenir au factuel peut être très rassurant et peut facilement calmer leurs angoisses ou leurs colères.
4. Communiquez simple : en évitant de justifier ou de demander des justifications, et face aux oppositions, revenez toujours à la case départ, pour recadrer votre interlocuteur : «qu’attends-tu précisément de moi (ou de la situation)? Que proposes-tu ?»
5. Pratiquez la communication non violente : par exemple, commencez toujours par acquiescer : «oui, je comprends» (la personne se sent écoutée et comprise), ensuite expliquez votre point de vue «à mon avis….» (C’est un avis, et un avis n’est pas discutable), et clôturez par une ouverture vers l’autre « qu’est ce que tu en penses ?» (Renforcement de la notion de partage et d’échange)
6. Veillez à garder des limites professionnelles : non seulement cela va vous aider, mais c’est rassurant pour ce profil. Délimiter par écrit professionnel les limites du pouvoir décisionnel de chacun, les périmètres d’actions et de responsabilités, le descriptif des postes…
7. Faites ressortir le meilleur de ces profils : ils détectent rapidement défauts et lacunes, ils veillent farouchement au respect des règles et des limites, ils savent déconstruire les arguments des autres et leurs oppositions, ils sont fins analystes, ils sont prudents et méfiants… autant de traits de caractères qui peuvent être de vrais skills si on arrive à bien les utiliser et les orienter vers des réalisations professionnelles.
Source : LE MATIN
Rédigé par : Nabila Bakkass