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mercredi, décembre 24, 2025

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​Palestiniens et amérindiens : Comparer, oui, mais pas n’importe comment

Pour discréditer l’attaque du 7 octobre 2023, certains s’amusent à la comparer avec une éventuelle attaque des autochtones d’Amérique contre leurs méchants colonisateurs. Une mise-au-point est de mise:

La colonisation de la Palestine par les sionistes en 1948 et la colonisation des Amériques par les Européens il y a cinq siècles sont-ils réellement comparables? La comparaison peut sembler intuitive car dans les deux cas il s’agit de populations arrivées d’ailleurs qui s’installent durablement sur un territoire déjà habité en s’appuyant sur une supériorité militaire politique et technologique. Dans les deux situations les populations autochtones ont subi l’expropriation la dépossession la violence de masse et une tentative d’effacement culturel. Ces éléments communs expliquent pourquoi certains cherchent à rapprocher ces deux histoires.
 
Cependant une analyse plus rigoureuse oblige à aller au-delà de cette analogie immédiate. La colonisation des Amériques s’est déroulée sur plusieurs siècles dans un contexte d’expansion impériale européenne sans cadre juridique international sans médias mondiaux et sans reconnaissance politique des peuples autochtones comme sujets de droit. Elle a abouti à un effondrement démographique massif souvent qualifié de génocide avec la disparition quasi totale de certaines civilisations. C’est certainement un des plus grands crimes de l’humanité, tout comme celui de l’esclavage.
 
La colonisation de la Palestine s’inscrit quant à elle dans un contexte beaucoup plus récent marqué par l’existence du droit international, les droits de l’homme, par la fin officielle du colonialisme classique et par la mémoire encore vive de la Shoah. Elle implique un mouvement national juif se revendiquant à la fois comme projet de refuge (sioniste) et comme projet étatique ce qui la rend historiquement et moralement singulière même si cela n’efface en rien la réalité de la dépossession et les crimes contre les populations palestiniennes.
 
Comparer ces deux situations exige donc de reconnaître à la fois leurs points communs structurels et leurs différences fondamentales. Assimiler mécaniquement toute résistance autochtone à une violence contemporaine sans tenir compte des contextes politiques actuels revient à simplifier à l’extrême des réalités complexes. De même justifier ou condamner des actes violents uniquement par analogie historique empêche toute compréhension sérieuse des dynamiques présentes. L’histoire ne se répète jamais à l’identique même si elle produit parfois des échos troublants.
 
La question centrale n’est donc pas seulement celle de la comparaison mais celle des perspectives d’émancipation. Dans les Amériques l’émancipation des peuples autochtones n’a pas pris la forme d’un retour à la situation antérieure à la colonisation. Elle s’est construite partiellement à travers des luttes pour la reconnaissance des droits la restitution limitée des terres l’autonomie culturelle et politique et une remise en cause progressive du récit colonial dominant. Ces processus restent incomplets et souvent insatisfaisants mais ils montrent qu’une coexistence fondée sur l’égalité juridique et la reconnaissance historique est possible même après des crimes immenses.
 
En Palestine Israël la question de l’émancipation reste ouverte et tragiquement conflictuelle. Toute solution durable suppose la reconnaissance pleine et entière des Palestiniens comme peuple avec des droits nationaux politiques et humains égaux à ceux des Israéliens. Elle suppose aussi que la société israélienne affronte lucidement la dimension coloniale de sa naissance et de son expansion sans pour autant nier les peurs et les traumatismes réels qui l’ont façonnée. De leur côté les Palestiniens ont besoin de perspectives politiques crédibles qui ne se réduisent ni à la soumission ni à une violence sans horizon.
 
Si l’on tire une leçon des expériences coloniales passées c’est que ni l’effacement des colonisés ni la domination perpétuelle des colonisateurs ne produisent la paix. Les seules issues possibles passent par la justice la reconnaissance mutuelle la fin des rapports de domination et la construction de cadres politiques inclusifs. Cela ne satisfait jamais tout le monde pleinement mais c’est le seul chemin connu qui permette de sortir durablement de la logique de la guerre et de la vengeance.
 
Pour conclure il est essentiel de garder à l’esprit que le droit international qui n’existait pas il y a cinq siècles reconnaît aujourd’hui le droit des peuples colonisés à résister y compris par les armes lorsque toutes les autres voies sont fermées. Dans cette perspective la question centrale seulement philosophique, mais surtout profondément politique et humaine. Un peuple martyrisé dépossédé depuis 77 ans de sa terre et de sa dignité soumis au blocus à l’asphyxie économique et à une répression multiforme se retrouve placé devant une alternative tragique survivre ou disparaître non seulement dans l’indifférence générale mais avec la lâcheté de plusieurs états arabes qui ont normalisé leur rapport avec Israël. Lorsque la communauté internationale se contente de discours creux et d’appels sans effet elle participe de fait à cette impasse mortifère.
 
Par ailleurs il est nécessaire de rappeler que toute la vérité sur les événements du 7 octobre n’est pas encore pleinement établie. Des éléments ont déjà été évoqués y compris par un journal américain et un journal israélien laissant entendre que l’intervention de l’armée israélienne a pu contribuer au nombre élevé de victimes. Ces faits s’ils sont confirmés viendraient encore complexifier un récit trop souvent présenté de manière univoque et instrumentalisée.
 
Enfin face à près de 68 mille morts à Gaza, en majorité des civils des enfants et des femmes, face à la destruction quasi totale de Gaza, il devient impossible pour un esprit un tant soit peu honnête de ne pas s’interroger sur l’usage politique de cette tragédie. Il est légitime de se demander si le 7 octobre n’a pas servi d’aubaine à un projet colonial déjà engagé permettant de justifier une violence extrême et une accélération de la dépossession. Refuser de poser cette réflexion ce n’est pas faire preuve de neutralité mais accepter que l’injustice se perpétue sous couvert de morale et de sécurité.
 
Cela étant dit, la résistance palestinienne ne passe exclusivement par les armes. Non. Les palestiniens luttent par l’acquisition des connaissances. Dans le monde arabe c’est le peuple le plus alphabétisé, instruit, avec une société civile bien organisée, même au milieu des ruines et sous les bombes, les palestiniens ne cessent de lutter. Même lorsqu’ils se trouvent dans les prisons israéliennes, ils continuent à apprendre. Ils en sortent avec des diplômes de toutes sortes. Ils continuent à partager leurs connaissances et leurs expertises dans les cellules. C’est cette résistance là que le colonisateur sioniste n’arrivera jamais combattre.
 
Mohamed Lotfi
24 Décembre 2025

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