La crise se présente, selon le Pr. Mohammed Bentalha Doukkali, professeur de science politique et de politiques publiques à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, comme une situation critique à laquelle sont confrontés les décideurs publics, marquée par l’accélération des événements, l’enchevêtrement des causes et des effets, et l’érosion rapide des capacités de contrôle et de projection. Elle devient d’autant plus périlleuse lorsque les instruments d’anticipation et de gouvernance s’avèrent défaillants.
L’un des principaux facteurs aggravants réside dans l’incapacité à détecter précocement les signaux annonciateurs de crise, souvent en raison de la rétention ou de l’insuffisance des données pertinentes. Or, la disponibilité d’informations fiables et opportunes offre aux États et aux organisations la possibilité de prendre des décisions éclairées, d’identifier les vulnérabilités structurelles et d’y apporter des réponses adaptées. À l’inverse, l’absence d’alerte et le défaut de réaction rapide exposent les sociétés à des crises soudaines, avant même que leurs prémices ne soient formellement identifiées.
Ces situations exercent de fortes pressions sur les États, affectant le fonctionnement normal des services économiques, sociaux et administratifs, et provoquant des déséquilibres durables du développement. Les travaux académiques convergent sur ce point : l’absence de dispositifs structurés de gestion de crise engendre des conséquences prolongées et coûteuses. Dès lors, le recours au planning stratégique s’impose comme un levier central de prévention et d’adaptation face à l’incertitude.
Le théoricien du management Peter Drucker définit le planning stratégique comme un processus continu de prise de décision fondé sur des informations prospectives, accompagné de l’organisation des ressources nécessaires à son exécution et de l’évaluation des résultats obtenus. Cette démarche repose sur quatre piliers : la fixation d’objectifs futurs clairs, la continuité du processus décisionnel, l’analyse croisée des environnements interne et externe, ainsi que l’adhésion des décideurs à sa pertinence et à son efficacité.
La gestion des crises requiert ainsi une stratégie préventive fondée sur l’analyse permanente de leurs dynamiques, l’élaboration de scénarios alternatifs et la sélection rationnelle des options disponibles. Elle implique également une capacité d’adaptation anticipée, intégrant l’ensemble des hypothèses plausibles afin de réduire l’impact des chocs imprévus.
Le planning stratégique ne saurait être circonstanciel ni soumis aux aléas conjoncturels. Il relève d’un travail institutionnel continu, fondé sur l’évaluation permanente, des stratégies ouvertes et offensives, et une action collective privilégiant la flexibilité, plutôt que des réponses défensives ou purement réactives. Cette démarche suppose la mobilisation coordonnée des acteurs, la primauté de l’intérêt général et une allocation rigoureuse des ressources humaines et financières.
L’évaluation constitue à cet égard une phase déterminante, permettant d’ajuster les choix opérés et de corriger les insuffisances constatées. En période de crise, la démocratie demeure, selon le philosophe français Marcel Gauchet, un cadre indispensable de décision efficace, y compris dans l’urgence, en renforçant la légitimité de l’action publique et la confiance des citoyens.
À l’heure où le monde traverse une phase de mutations profondes, marquée par des crises sanitaires et économiques d’ampleur globale, l’urgence réside dans la capacité à en contenir les effets systémiques. À défaut, les sociétés s’exposent à des horizons durablement assombris. Comme le souligne l’essayiste français Jacques Attali, prévenir la catastrophe impose de porter un regard à la fois rétrospectif et prospectif afin de saisir les dynamiques profondes à l’œuvre. De ces crises émerge toutefois une constante : la résilience des sociétés et la persistance du désir de vivre, plus fort que les épreuves, conclut le Pr. Mohammed Bentalha Doukkali
Mohamed LOKHNATI
