Par Fouad BENJLIKA.
Marrakech – Malgré les mutations sociales et l’emprise de la modernité, les femmes marrakchies demeurent profondément attachées à la tradition ancestrale de la distillation de la fleur d’oranger, qui revient chaque année pour célébrer l’arrivée du printemps.
Grâce à leur passion et à leur patience, elles ont su préserver ce savoir-faire millénaire, perpétuant des techniques rigoureuses qui résistent encore à l’industrialisation.
Reflet de la diversité culturelle du Maroc, la distillation de la fleur d’oranger a traversé les siècles grâce au génie et au dévouement des femmes, qui en ont préservé les secrets, l’authenticité et la magie.
Dans l’intimité des foyers comme au sein des coopératives, elles ont su maintenir vivante cette tradition, dont elles seules maîtrisent les subtilités.
La distillation artisanale de la fleur d’oranger repose sur un savoir-faire méticuleux, alliant rigueur et précision. De la cueillette et la sélection méticuleuse des fleurs du bigaradier, localement appelé “zanboua”, à la préparation minutieuse des fournitures et outils indispensables (bouteilles en verre, encens, tissu), en passant par le nettoyage scrupuleux de l’alambic en cuivre et la surveillance patiente du feu sous l’alambic, où se joue la transformation des pétales en eau de fleur exquise, chaque étape de la distillation suit un rituel précis.
En dépit des avancées technologiques, ces rituels liés à cette tradition n’ont pas cédé aux sirènes de la modernité, grâce aux femmes qui jouent un rôle essentiel dans la préservation de cette mémoire collective et de ce pan du patrimoine culturel.
Dans une déclaration à la MAP, Touria Araban, secrétaire générale de l’association Al-Muniya pour la conservation et la revivification du patrimoine du Maroc, a indiqué que les femmes marrakchies ont développé une passion pour l’art de la distillation de la fleur d’oranger, tout en veillant à en préserver les moindres détails et à transmettre scrupuleusement ses pratiques spécifiques à leurs filles.
Avec le temps, elles ont transformé cet art en un véritable rituel, où chaque geste est exécuté avec amour et précision, a-t-elle souligné, expliquant que cet héritage renforce non seulement les liens sociaux autour de la distillation printanière de la fleur d’oranger, mais ravive également le sentiment d’appartenance à la communauté.
Dans le même ordre d’idées, Jaâfar Kansoussi, président de l’Association Al-Muniya, a relevé que la distillation de la fleur d’oranger, ou “Taqtar Zhar”, constitue un patrimoine exclusivement féminin, transmis de génération en génération dans les cercles citadins de la cité ocre, faisant remarquer que “les femmes marrakchies ont élevé cet art au rang de rituel sacré”.
L’acteur associatif a ainsi rendu hommage au génie de la femme marocaine, qui a su transformer “un fruit amer en une fragrance exquise très prisée par les consommateurs”.
Aujourd’hui, grâce à la mobilisation du tissu associatif local, ce cérémonial intime a été érigé en un événement culturel majeur visant à préserver cette tradition séculaire et à faire découvrir au public les techniques de distillation de la fleur d’oranger.
Le Moussem de la fleur d’oranger “Zahria de Marrakech”, qui souffle cette année sa 13è bougie, attire désormais chercheurs, touristes, établissements scolaires, institutions culturelles et société civile.
Conscientes de la valeur de leur héritage, les femmes marrakchies ont su réinventer cette tradition pour lui insuffler une nouvelle vitalité sans en altérer l’âme.
Les coopératives féminines ont ouvert la voie à une reconnaissance internationale. Aujourd’hui, l’eau de fleur d’oranger marocaine, produit bio et artisanal, s’exporte bien au-delà des frontières, tout en restant un pilier de la pharmacopée et de la gastronomie locales.
La distillation de la fleur d’oranger demeure bien plus qu’une simple tradition artisanale, elle est le symbole d’un lien social profond et d’un héritage vivant porté par les femmes.
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