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mercredi, janvier 22, 2025

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Entrepreneuriat : entretien avec le président de la Fondation Gen J, Tarik Haddi

Le président de la Fondation “Jil Al Ibtikar Al Maghribi” (Gen J), Tarik Haddi, a livré un entretien à la MAP sur l’évolution de l’écosystème entrepreneurial au Maroc et les priorités essentielles à cibler par les jeunes entrepreneurs marocains démarrant en 2025.

Dans cet entretien, M. Haddi a souligné que le succès d’une approche Gen J repose sur deux facteurs cruciaux, à savoir le capital humain et la gestion de la trésorerie. Il s’est également dit pour l’approche de la “rentabilité frugale” plutôt que de la levée de fonds à tout prix.

– Comment évaluez-vous l’évolution de l’écosystème entrepreneurial au Maroc durant ces dernières années ?

Depuis l’initiative “Innov Invest” de l’État Marocain, en partenariat avec la Banque Mondiale, menée par Tamwilcom, l’écosystème entrepreneurial a connu une amélioration certaine.
Les briques se mettent en place une à une : structures d’accompagnement de la phase d’idéation à l’accélération, fonds de capital amorçage, universités et centres de recherche de classe mondiale, politiques industrielles intégrées…

La principale problématique à adresser est celle de l’enseignement. Afin de former suffisamment d’innovateurs pour notre transition à une économie de l’innovation, il faut commencer dès le bas âge.

Et puis une école publique de qualité permet d’élargir la base des futurs innovateurs aux enfants des couches sociales défavorisées, mais aussi aux filles notamment en milieu rural.

Ensuite nos grandes entreprises ont aussi un rôle important à jouer, en qualité d’entreprises pivots d’Écosystèmes d’Innovation Ouverts et Collaboratifs (EIOC), intégrant toutes leurs parties prenantes. Nous ne pouvons pas tout attendre éternellement de l’État.

Enfin, il faut des entrepreneurs qui proposent des projets réellement innovants et qui prouvent leur capacité à passer à l’échelle.

Une enquête nationale sur l’Innovation au Maroc a été lancée (les questionnaires sont disponibles sur LinkedIn) pour affiner nos recommandations pour l’écosystème entrepreneurial.

– Quels sont les clés de succès permettant aux jeunes entrepreneurs marocains de réussir dans leurs domaines d’activité ?
Partout, nous entendons que pour réussir il faut être ambitieux, travailler sur son état d’esprit, dépasser ses croyances limitantes, travailler en équipe, se constituer des réseaux solides, sortir des cadres conventionnels, prendre des risques et persévérer… Bien sûr ces éléments sont essentiels, mais ils ne suffisent pas pour réussir une démarche entrepreneuriale innovante et durable au Maroc.

Pour innover véritablement, il faut capitaliser sur nos spécificités locales qui résonnent parfaitement avec le monde « post-moderne », celui des révolutions technologiques, de la vitesse et de la volatilité.

Cela inclut notre agilité à nous adapter rapidement aux évolutions du marché, notre sens de la communauté, une ressource précieuse pour anticiper les besoins locaux et créer des écosystèmes d’entraide et de collaboration, notre sensibilité aux réalités émergentes et notre opportunisme, qui nous pousse à saisir les opportunités au moindre changement de situation, etc.

Pour réussir, il est donc essentiel de décomplexer notre approche de l’innovation. Il faut aussi se réconcilier avec l’erreur et la considérer comme un apprentissage.

Nous devons également adopter une pensée systémique, circulaire, et inscrire dans chaque processus d’innovation et chaque prise de décision les principes de responsabilité, de simplicité, de transversalité, de subsidiarité et d’intelligence collective.

– Comment Gen J aide-t-elle ces jeunes à surmonter les obstacles pour bâtir des entreprises innovantes et durables ?
Tout d’abord en leur donnant les concepts et les modalités d’action dans l’ouvrage “Gen J : Génération Innovation Made in Morocco” et à travers nos nombreuses conférences animées au sein des grandes écoles, des universités, des centres de formation professionnelles, des entreprises pivots dans leur secteur …
Ensuite, l’enquête nationale Gen J sur l’innovation va nous permettre de faire des recommandations précises à toutes les parties prenantes (ministères concernés, monde académique, institutions de financement et d’accompagnement, entreprises…) pour bâtir un environnement propice pour l’entrepreneuriat de ces jeunes.
Enfin, Gen J structure actuellement une offre d’accompagnement (formation, labélisation, accompagnement…) à destination des entreprises à l’effet de développer les EIOC qui permettraient aux jeunes de structurer des startups dans un cadre maitrisé.

– Vous mettez en avant l’importance de capitaliser sur les spécificités locales. Concrètement, comment ces qualités peuvent-elles être transformées en avantages compétitifs sur le marché national et international ?
Sur le plan humain, nos spécificités locales se trouvent effectivement être en phase avec le monde post moderne, fruit de la révolution Tech et que les experts qualifient de VICA (volatile, incertain, complexe et ambigu).
– Nous sommes frugaux, en faisant toujours plus avec moins ;
– Agiles et itératifs : on préfère les boucles d’itérations essai-erreur-ajustement, courtes et répétées, qui sont aujourd’hui à la base de l’innovation disruptive ;
– Circulaires, recyclant en permanence, les biens & les services, les idées & les concepts et même les mots venus d’ailleurs grâce à notre langue la darija ;
– Nous sommes communautaires comme les réseaux sociaux : le fameux crowdfunding est une forme numérique de nos DARET et tontines africaines ;
– Nous percevons naturellement les signaux faibles ;
– Nous sommes opportunistes, puisque nous cherchons systématiquement les opportunités dans tout changement de situation ;
– Nous sommes décentralisés et aimons fonctionner naturellement de bas en haut ;
– Nous sommes passionnés, comme tous les gens du Sud….

Pour transformer ces spécificités en avantages compétitifs sur les marchés nationaux et internationaux, il faut bâtir nos processus d’innovation et d’entrepreneuriat sur un certain nombre de principes :
1. Décomplexer et acculturer notre approche de l’innovation ;
2. Renforcer notre agilité en fonctionnant systématiquement en mode essai-erreur-ajustement et donc se réconcilier avec l’erreur ;
3. Penser circulaire : ne rien détruire, tout transformer ;
4. exploiter notre empathie endémique avec nos communautés ;
5. Introduire à tous les niveaux et dans tous nos process d’innovation et de décision, (i) la responsabilité, (ii) la simplicité, (iii) la transversalité et (iv) la subsidiarité et (v) l’intelligence collective.

– Gen J encourage une approche axée sur la “rentabilité frugale”. Pourquoi pensez-vous que ce modèle est plus adapté au contexte marocain que celui basé sur la levée de fonds à tout prix ?
Le modèle de la “licorne”, promu par la Silicon Valley, met l’accent sur la levée de fonds à tout prix pour faire vivre l’entreprise.

Cependant, cette logique conduit parfois chez nous à des dérives, comme la création de “chaînes de Ponzi” où certains lèvent des fonds uniquement pour rembourser les investisseurs précédents, détournant ainsi l’objectif originel du capital-risque.

Chez Gen J, nous prônons une autre approche : celle de la “rentabilité frugale” plutôt que de la levée de fonds à tout prix.
Dans cet état d’esprit, voici quelques conseils pour structurer par exemple la croissance financière d’une entreprise :
– En termes d’allocation de votre temps, priorisez l’effort commercial pour développer une base de clients plutôt que de courir après des investisseurs ;
– Concentrez-vous sur les ventes et cherchez à générer des revenus dès que possible ;
– Même si votre produit n’est pas encore finalisé, pré-vendez la solution aux “early adopters”) ou vendez les fonctionnalités disponibles en attendant le produit final ;
– Vendez vos actifs techniques ou humains sous forme de prestations ;
– Maitrisez vos dépenses en recourant à la location ou au temps partagé au lieu d’acheter ou de recruter, et à la technologie (l’IA notamment) pour augmenter votre productivité.

Cette approche vous permettra de “rencontrer le marché”, rapidement et à moindre coût, tout en ajustant votre produit en fonction des retours des utilisateurs, contrairement à ceux qui passent leur temps à peaufiner leur business plan et leur pitch deck pour “rencontrer des investisseurs”. Avoir le meilleur business plan du monde n’est pas un gage de succès !

– Quelles sont les priorités essentielles à cibler par les jeunes entrepreneurs marocains démarrant en 2025 ?
Le succès d’une approche Gen J repose sur deux facteurs cruciaux : le capital humain et la gestion de la trésorerie. Ce sont pour nous les priorités essentielles à cibler pour les jeunes qui vont se lancer dans l’entreprenariat en 2025 :

Capital humain :
– Soyez au moins deux fondateurs, avec des profils complémentaires ;
– Entourez-vous d’experts du secteur dès le début : recrutez des administrateurs, des conseillers et des collaborateurs qui apportent de la valeur ;
– Sourcez et « pitchez » les talents, comme vous le feriez avec des investisseurs ;
– Construisez une culture d’entreprise solide, dès le départ, fondée sur les principes de responsabilité, simplicité, transversalité et de satisfaction client.

Trésorerie :
– Structurer les dépenses récurrentes de manière à rapidement les réduire (voir les stopper) en cas de retournement de conjoncture ;
– Dépensez à budget constant : chaque dépense imprévue doit être compensée par une économie ailleurs ;
– Jalonnez vos engagements de dépenses (y compris les recrutements) en fonction de votre trésorerie et de la traction du marché. La trésorerie est la deuxième cause principale de la faillite des entreprises après le déficit en capital humain !

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