En novembre 2009, à la veille de l’Aïd al-Adha, une femme de ménage commet le plus grand vol domestique de l’histoire du Maroc. Son butin ? Plus de 500 millions de centimes, soit 5 millions de dirhams (environ 500 000 euros) de bijoux de luxe.
16 ans après, cette affaire est restée inscrite dans les annales de la police judiciaire au Maroc.
De telles sommes d’argent ou de valeurs sont en général évoquées lors des grands hold-up ou braquages réalisés par des organisations de malfaiteurs bien aguerris.
Outre son aspect spectaculaire, cette mésaventure a été entreprise par une jeune femme récidiviste spécialisée dans ce type de criminalité, avec un mode opératoire bien rodé.
Sa corpulence ronde, son aspect innocent et ses traits physiques anodins cachaient une jeune femme forte dotée d’une rare agressivité.
Après avoir commis ses forfaits, elle ne laissait aucune trace et disparaissait dans la nature en utilisant une fausse identité.
Cette affaire fut aussi intrigante par la célérité avec laquelle la police judiciaire d’anfa a pu mettre la main, le jour même de l’acte de vol, sur la mise en cause et a ainsi restitué la
quasi-totalité des bijoux volés.
Ce type de criminalité.
Malgré le préjudice causé, en général ce type de méfaits reste faiblement sanctionné. C’est le cas d’un vol simple sans aucune aggravation des faits, sans menaces ni violence et surtout sans effraction ou utilisation de fausses clés.
En général, on qualifie cette forme de vol d’abus de confiance. Et les peines encourus vont de quelques mois à une ou deux années d’emprisonnement au maximum.
Les conditions de l’embauche.
La première rencontre entre l’employeur et la future employée est souvent rapide et informelle. En quelques minutes, les tâches domestiques et le salaire sont convenus à l’oral, sans contrat écrit ni vérification des antécédents. Cette rencontre se fait en général en présence de l’intermédiaire qui touche une prime équivalente à un mois de salaire.
Cette première entrevue paraît rapide. Rare sont les employeurs qui ont le réflexe de prendre quelques informations sur la femme de ménage avant de l’engager. Cela aurait pu éviter à plusieurs de se faire voler s’ils avaient été informé que celle-ci avait été condamnée à quelques mois de prison, quelques années auparavant, pour un vol domestique.
Aucun des employeurs n’éprouve la nécessité de se renseigner sur les antécédents de l’employée par une simple
visite au commissariat de police.
On se contente d’une simple photocopie d’une pièce d’identité si elle existe.
Une négligence qui, dans ce cas, a coûté cher.
Le jour du vol.
Un matin ensoleillé domine la grande métropole de Casablanca, un début de journée spéciale animée par les préparatifs qui précèdent la fête de l’Aïd el-Adha. Une course contre la montre pour achever les derniers achats anime les ruelles de la capitale économique, quand la police reçoit une alerte concernant un vol commis dans une villa somptueuse du littoral de la ville. La police se déplace aussitôt sur la scène de crime, enquêteurs et techniciens sont à pied d’œuvre pour démêler les fils de cette affaire.
La victime, propriétaire de la maison, déclare aux limiers de la police judiciaire qu’elle a été victime d’un vol de ses bijoux d’une grande valeur, probablement par une jeune femme récemment embauchée comme femme de ménage.
Une course contre le temps.
Les seuls indices sont le téléphone de l’intermédiaire, une photocopie noir et blanc d’une pièce d’identité et une précieuse description de la jeune femme.
Les enquêteurs sont devant le plus grand vol par abus de confiance de bijoux au Maroc, d’une valeur de 500 000 euros, commis par une employée de maison.
La valeur du butin exerce une pression sur les enquêteurs, mais ils sont encore plus soucieux des eventuels développements que cette affaire peut avoir, vu qu’elle coïncide avec la veille du jour de l’Aïd al-Adha au Maroc.
Fête nationale qui connaît une grande mobilité des citoyens et des transports entre les différentes villes du Royaume et qu’une grande partie sinon la majorité des commerces ferment pendant la période des fêtes.
L’éventualité qui domine serait que l’auteur des faits puisse profiter de cette occasion pour quitter la ville, ce qui rendrait l’enquête plus difficile.
Grâce à sa connaissance des habitudes de ses employeurs et à l’accès libre aux pièces de la maison, elle a pu subtilement soustraire les bijoux, pièce par pièce, avant de disparaître avec le butin.
Elle a utilisé, ou plutôt usurpé, une fausse identité, celle d’une femme qui lui ressemble physionomiquement chez qui elle avait travaillé auparavant, pour brouiller les pistes.
Le butin volé se composait de bijoux en or sertis de diamants et de pierres précieuses tels que des bagues, des boucles d’oreilles, des chaînettes de cou, des broches, des gourmettes, des ceintures, le tout de grandes marques comme Yves Saint Laurent, Cartier, Chanel et autres, ainsi que des montres de marque Rolex, Piaget ou encore Cartier.
Le dénouement de l’affaire.
Tous ces indices ont vite porté les soupçons sur une jeune femme connue des services de la police judiciaire pour des méfaits similaires traités par d’anciens enquêteurs.
La célérité avec laquelle l’enquête a été entreprise, surtout l’identification de la jeune femme avec sa vraie identité et le fait qu’elle fut reconnue par la victime, et la détermination avec précision de ses points de chute les plus probables vu les circonstances, a permis de mettre la main sur la jeune femme alors qu’elle s’apprêtait à quitter la ville en possession de la quasi-totalité des bijoux.
Après restitution des biens volé, les employeurs étaient heureux du dénouement de l’enquête et en même temps choqués : elle avait l’air si gentille, personne n’aurait imaginé qu’elle était capable de ça, confient ils aux enquêteurs.
Cette affaire a révélé les failles des embauches domestiques au Maroc. Seize ans plus tard, les employeurs sont-ils mieux armés pour éviter de telles mésaventures ?
Respecte-t-on les textes qui régissent le travail domestique ?
Quel est le cadre juridique régissant le travail de maison ?
• Dahir n° 1-16 -121 du 6 kaada 1437 (10 août 2016) portant promulgation de la loi n° 19-12 fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleuses et travailleurs domestiques.
• Décret No. 355-17-2 du 9 Dhou al hijja 1438 (31 août 2017), définissant le modèle de contrat de travail pour un travailleur de maison.
• Décret No. 356-17-2 du 6 Muharram 1439 (27 septembre 2017) en remplissant la liste des travaux interdisant l’emploi des travailleuses et des travailleurs de maison âgés de 16 à 18 ans est complétée.
• Le décret No.686-18-2 publié le 24 Ramadan 1440 (30 mai 2019) conditionne avec précision l’application du régime de la sécurité sociale aux travailleuses et travailleurs de maison.
• Circulaire n°49 du 06 décembre 2018 de la présidence du ministère public.
